Langues romanes
Pour les articles homonymes, voir Langues romanes (homonymie). On nomme langue romane toute langue issue essentiellement du Latin vulgaire (au sens étymologique de « populaire »), c'est-à-dire la forme de latin vernaculaire utilisée pour la communication de tous les jours, par opposition au latin classique et littéraire. Ce sont des langues indo-européennes basées sur le latin. Ces langues ont été parlées ou le sont encore dans un ensemble géographique désigné par le terme de Romania, désignant le Nord-Ouest européen de l'ancien Empire romain d'occident et l'Empire Romain d'Orient, resté debout, où les Valaques parlaient latin (mais où la langue grecque est rapidement devenue officielle en Europe et Anatolie, tandis que la Syrie, la Palestine et l'Egypte passèrent à l' Arabe après la conquête musulmane). Les mots roman(e) et Romania remontent bien sûr à des dérivés de l'adjectif latin romanus : l'on considérait en effet que leurs locuteurs utilisaient une langue issue de celle des Romains, par opposition à d'autres introduites ultérieurement dans les territoires de l'Empire, comme le Francique au nord de la France, langue des Francs appartenant à la famille des langues germaniques. La première attestation du terme de roman, sous une forme ou une autre, remonte au concile de Tours ( 813). C'est lors de ce concile – l'un des cinq réunis cette même année à l'initiative de Charlemagne – qu'une distinction est faite entre une langue de type roman et une langue germanique (qualifiée de Tudesque). Il s'agit d'une forme de proto- Français ou proto- Occitan, nommée rustica romana lingua, ou encore roman. L'ancien français est donc la première langue romane attestée à l'écrit (ce qui ne signifie pas que ce soit la première langue à être apparue comme clairement différente du latin). Le premier ouvrage théorique sur les langues romanes est, en Latin, le De Vulgari Eloquentia (« De l'éloquence vulgaire ») de Dante ( XIIIe siècle), où apparaissent pour la première fois les dénominations de Langue d'oïl, langue d'oc et de langue de si (pour l' Italien et l' Espagnol) — en fonction de la forme respective du mot oui dans les différentes langues romanes. On date grosso modo l'évolution du latin vulgaire vers les langues romanes ainsi : - entre -200 et 400 environ : différentes formes de latin vulgaire ;
- entre 500 et 600 : ces formes commencent à se différencier plus ou moins nettement ;
- En 813, au concile de Tours, l'existence de langues romanes est reconnue, puisque le concile demande que désormais les sermons soient prononcés en « rusticam Romanam linguam » (langue romane rurale) et non plus en latin afin d'être compris par tous.
- 842 : premier texte complet rédigé en une langue romane (le roman, forme de protofrançais), les Serments de Strasbourg.
Les langues romanes partagent un ensemble de traits communs donnant une bonne cohérence à cette famille de langues, parmi lesquels les plus importants sont : - un Lexique principalement issu du Latin vulgaire avec divers substrats dont des langues Celtes, comme les parlers gaulois de Gaule cisalpine et de Gaule transalpine ou le Celtibère, pour toutes les langues romanes sauf le Roumain et le Sarde ;
- une réorganisation du système vocalique latin (par diphtongaison, Apophonie et syncope principalement) ;
- des phénomènes importants de Palatalisation des consonnes ;
- la disparition quasi complète du neutre, à l'exception du Roumain ;
- une réorganisation importante du système verbal, par le développement, notamment, de verbes auxiliaires, la suppression du futur latin, la création d'un futur périphrastique formé à partir du verbe avoir (chanter-as → chanteras), celle d'un conditionnel ;
- le développement des articles, inconnus du latin.
Liste des langues romanesLes langues romanes sont classées en plusieurs groupes, chacun pouvant comprendre plusieurs « dialectes » ; il faut noter que le choix d'un de ces dialectes comme Langue officielle est purement politique et, surtout, relativement récent dans de nombreux pays (sauf en France, par l'édit de Villers-Cotterêts). Quoi qu'il en soit, les langues romanes forment un continuum de langues entre lesquelles les différences sont parfois minimes ; il est toujours possible de distinguer au sein d'un ensemble ce que l'on nommera un ou plusieurs « dialectes ». La liste suivante présente entre parenthèses : nom dans la langue envisagée, date de la première attestation connue. Groupe gallo-romanPour connaître les détails de la composition de ce groupe, voir l'article gallo-roman. - 1. Langue(s) d'oïl (842 : peut-être les Serments de Strasbourg qui sont dans une langue romane composite). On trouve dans cette famille de nombreux dialectes appartenant au groupe des langues d'oïl. Une vision plus traditionnelle de la linguistique romane considère que le Français (au sens large) et la Langue d'oïl (au singulier) désignent une seule et même langue qui correspond principalement à un ensemble de traits d'oïl provenant de divers dialectes répartis historiquement autour de Paris (dans les faits, la langue française actuelle est très composite et doit beaucoup à une langue littéraire interrégionale). Une autre vision considère au contraire que les langues d'oïl (au pluriel) sont un groupe de langues et que le français (au sens restreint) n'est que l'une de ces langues (venue du francien), parmi d'autres.
- Français (881 : premier texte en Ancien français Vie de saint Léger) : la langue officielle de la France; de la Belgique en concurrence avec l'Allemand et le Néerlandais; de la Suisse avec l'allemand, l'italien et le Romanche; du Canada avec l'Anglais; du Val d'Aoste avec l'italien; du Luxembourg avec le Luxembourgeois; des îles Anglo-Normandes avec l'Anglais).
- Franc-comtois : parlé en France dans le nord de la Franche-Comté, dans le sud de l'Alsace et en Suisse dans le Canton du Jura.
- Mayennais : parlé en France en Mayenne.
- Gallo : parlé en France en Haute-Bretagne.
- Normand (normaund) : parlé en France en Normandie; aux îles Anglo-Normandes, dont le Jersiais (Jèrriais), le Guernesiais (Guernésiais) et le Sercquiais (serkyee).
- Picard (cht'i ; vers les XIIe, XIIIe s.) : premier texte littéraire Cantilène de sainte Eulalie, XIe s. en picard-wallon : parlé en France dans le Nord-Pas-de-Calais et en Picardie, ainsi que dans le Tournaisis, dans l'ouest de la Belgique romane ; en Belgique, il a le statut de langue régionale, tandis qu'en France il est considéré comme une langue de France.
- Poitevin ou parlange (parlanjhe) : parlé en France dans le Haut Poitou et le Bas Poitou (Vienne, Deux-Sèvres et Vendée): c'est une langue d'oïl avec un substrat Occitan.
- Saintongeais: parlé en France dans les anciennes provinces d'Aunis, Saintonge et Angoumois (Charente et Charente-Maritime): c'est une langue d'oïl avec un substrat Occitan.
- Wallon (walon ; vers les XIIe, XIIIe s.) : premier texte littéraire Cantilène de sainte Eulalie, XIe s. en picard-wallon : parlé principalement en Belgique en Région wallonne, où il a le statut de langue régionale.
Groupe occitano-roman ou occitano-catalanCe groupe est intermédiaire entre le gallo-roman et l'ibéro-roman. - Occitan ou langue d'oc (occitan, lenga d'òc ; 842 : peut-être les Serments de Strasbourg qui sont dans une langue romane composite ; IXe siècle : traces de vulgarismes occitans dans des textes latins ; fin du Xe siècle : docs. juridiques ; 1102 : premier texte complet) : il s'agit d'un ensemble de dialectes constitué 1º du Gascon, le plus spécifique des parlers du groupe, 2º du nord-occitan (Limousin, Auvergnat, Vivaro-alpin) et 3º du sud-occitan (languedocien, Provençal). Les parlers occitans sont souvent connus en France sous l'appellation dépréciative de « patois ». L'ancien catalan et l'occitan médiéval constituaient une seule langue ; c'est seulement entre la fin du XIIe et le début du XIVe siècle que les deux langues se sont nettement séparées ; le Niçois est un provençal archaïque.
- Catalan (català ; fin du IXe siècle : traces de vulgarismes catalans dans des textes latins ; fin du XIIe siècle : premier texte complet dans un document juridique ; XIIIe siècle : sous l'égide de Ramon Llull, le catalan accède au statut de langue littéraire et de pensée reconnue) : l'une des langues officielles de la Catalogne (Espagne) ; il est parlé principalement dans cette Communauté autonome et dans une frange de l'Aragon, ainsi que dans celle méridionale de Valence (où il est aussi appelé Valencien), ainsi qu'aux Îles Baléares, en Andorre (où il est la seule langue officielle), dans le Roussillon (France), connu en catalan sous le nom de Catalogne Nord (Catalunya Nord), ainsi que dans la ville de l'Alguer (en Sardaigne). La langue catalane fut spécialement réprimée sous le Franquisme.
Groupe ibéro-roman- L' Asturien (asturianu en asturien, connu sous les noms d'asturo-léonais, astur-léonais ou bable), est parlé aux Asturies, ainsi que dans certaines parties des provinces de León, Zamora et Salamanca (où on l'appelle le léonais ). Par le passé l'astur-léonais était la langue d'un territoire beaucoup plus important s'étendant au sud de la péninsule ibérique . Aux Asturies, bien que non reconnue comme langue co-officielle par le statut de la Principauté, elle est protégée par les textes de loi. Dans la région portugaise de Miranda do Douro on parle le Mirandais, variante de l'asturien, et le mirandais possède le statut de seconde langue officielle du Portugal depuis 1999 pour la partie du territoire où elle est parlée..
- Le Castillan ou Espagnol (castellano, español) : langue officielle en Espagne et dans 21 pays d'Amérique latine. Les communautés autonomes d'Espagne historiques (Catalogne, Galice et Pays basque) bénéficient d'un statut d'autonomie qui leur octroie une deuxième langue officielle.
- Le Judéo-espagnol, issu du castillan parlé par les Juifs expulsés d'Espagne en 1492, demeure parlé par quelques dizaines de milliers (principalement en Israël, Turquie et sur le pourtour méditerranéen). Cette langue latine comprend des emprunts lexicaux à l'hébreu, au turc ainsi voire au grec, à l'italien ou à certains parlers slaves.
- L' Aragonais (aragonés) est parlé dans certaines zones de l'Aragon, sans reconnaissance officielle. Le même terme est utilisé pour se référer au dialecte "castillanisant" parlé aussi dans cette région.
- Le Galaïco-portugais est la langue mère écrite du portugais et du galicien. C'est la langue littéraire de toute la côte ouest de la Péninsule ibérique jusqu'au XIIe siècle et début du XIVe siècle, période au cours de laquelle le portugais s'est différencié du galicien.. Langue de culture pendant sept siècles, y compris en dehors de la Galice et du Portugal ; ainsi le roi de Castille Alphonse X le sage aurait rédigé, ses Cantigas de Santa Maria dans cette langue. Langue de troubadours elle compte des poètes illustres, tel Martín Codax, Bernal de Bonaval, Arias Nunes etc.
- Portugais (Português), langue officielle du Portugal, du Brésil, du Cap Vert, de la Guinée Bissau, de l'Angola, du Mozambique, du Timor-Oriental, de Macao et de l’archipel de Sao Tomé-et-Principe.
- Galicien (Galego) langue co-officielle en Galice (Espagne) et parlée dans certaines zones limitrophes de Galice comme O Bierzo). Le galicien connut une "période sombre" appélée "Séculos Escuros" en Galicien, un renouveau au XIXe siècle et fut réprimée sous le Franquisme.
- La Fala, langue issue du galaïco-portugais et parlé dans quelques villes d'Extremadure (Espagne), à la frontière du Portugal. Bien que non officielle, la fala a été déclarée bien d'interêt culturel par la junte d' Extremadure (gouvernement de la communnauté autonome) le 20 mars 2001.
Groupe italo-roman Italien ( italiano ; X e s. : documents juridiques, XI e s. : texte complet) ; très nombreux dialectes (plus de deux cents). On distingue deux groupes clairement différenciés, séparés par un grand faisceau d' isoglosses, la ligne Massa-Senigallia (dite de manière moins exacte "ligne La Spezia-Rimini"), qui correspond à la coupure des langues romanes en deux grands groupes: la Romania occidentale (incluant l'italien septentrional) et la Romania orientale (incluant l'italien centro-méridional et de l'extrème-sud). - 1. Italien septentrional (ou plus récemment padan, terme proposé par le linguiste Geoffrey Hull depuis 1982, parfois nord-italien), groupe de dialectes parlés dans le nord de l'Italie, intermédiaires entre l'italo-roman et le gallo-roman (à l'instar du rhéto-roman):
- Sous-groupe gallo-italique, avec un substrat celtique (lombard (lumbaart), Ligure (lìgure) avec sa variante intémélienne, Piémontais (piemontèis), l'émilien-romagnol. Le Piémontais s'est doté d'une variété standard.
- Sous-groupe Vénitien (vèneto).
- Le dialecte Istriote, parlé sur la côte sud de l'Istrie (Croatie), est très difficile à classer; on le voit soit comme un vénitien particulier, soit comme un dialecte distinct du vénitien, soit comme un idiome intermédiaire entre le Vénitien et le Dalmate.
- 2. Italien centro-méridional :
- Toscan, regroupant plusieurs parlers communaux de Toscane. Il intégre, par ailleurs, la langue corse et ses variantes.
- Toscan florentin, promu par Dante au XIIIe s., il constitue la base normalisée de la langue officielle italienne.
- Corse (corsu) qui est devenu une langue par élaboration, mais dérivant du Toscan, avec des influences du Ligure et un substrat ancien proche du Sarde : parlé en Corse mais aussi au nord de la Sardaigne (variantes gallurese et Sassarese).
- Romanesco contemporain, dialecte toscan parlé dans le Latium et cotoyant le romanesco classique, hérité du Moyen-Âge.
- Italien central, parlé dans les régions d'Ombrie, du Latium, des Marches et des Abruzzes. On distingue de nombreux idiomes suivant les régions : le laziale à Rome et ses alentours, le romanesco classique ainsi que le ciocaro de Frosinone dans la partie méridionale du Latium. L' ombrien (ou umbro) en Ombrie; le marchigiano englobant les parlers usités dans les Marches (notamment ceux d'Ancona, de Fabriano, de Macerata, de Fermo et de Camerino); l' abruzzais occidental et l' abruzzais adriatique parlé dans les Abruzzes.
- Italien méridional, parlé dans les régions de Campanie, du Molise, des Pouilles, du Basilicate ainsi que dans le nord de la Calabre. L'italien méridional comprend le molisano qui est le parler du Molise.
- Dialectes de type Napolitain, comprenant le campanais (soit le napolitain de Naples et ses variantes suivant les contrées de Campanie : beneventano de Benevento, salernitano de Salerne), le Calabrais septentrional (parlé dans le nord de la Calabre), ainsi que les deux variétés de lucan (ou lucanien), parlés dans le Basilicate ainsi que dans une partie de la province calabraise de Cosenza.
- Les dialectes apuliens, employés dans la région des Pouilles et comprenant trois variantes : le foggiano, parlé dans la Province de Foggia; le barese, usité dans les provinces de Bari, de Brindisi et dans les contrées orientales du Basilicate; ainsi que le tarentin, parlé dans la ville de Tarente et ses proches alentours.
- 3. Italien de l'extrème-sud :
- Sicilien de Sicile, ancré sur l'île aux trois pointes et divisé en une multitude de dialectes et de sous-dialectes régionaux voire communaux. Pour exemple, le parler d'Agrigente est un sous-dialecte du sicilien occidental qui est un dialecte du sicilien de Sicile.
- Calabrais centro-méridional, parlé en Calabre citérieure et lui aussi divisé en plusieurs dialectes.
- Salentin est usité dans le Salento, dans le sud des Pouilles. Les dialectes apuliens à transition salentine sont parlés, quant à eux, dans les parties méridionales des provinces de Brindisi et de Tarente.
Mais cette dialectologie est sommaire et ne décrit pas avec précision l'extraordinaire diversité, largement conservée, des parlers italiens proprement dits. Sarde ( sardu, limba sarda ; XI e s.) : parlé en Sardaigne ; c'est une des langues romanes des plus conservatrices, ce que l'on explique par son statut au sein d'un lieu isolé ; il a néanmoins connu de nombreuses influences, parmi lesquelles le catalan, le castillan puis l'italien sont les plus importantes ; on distingue plusieurs dialectes, dont les principaux sont : - campidanien (région de Cagliari),
- logoudorien (Logudoro), qui constitue la langue considérée classique, dont la variété du nuorais (Nuoro) ; ces deux derniers dialectes sont plus archaïsants que le premier.
- une tentative de normalisation d'une langue sarde unifiée (LSU) est appuyée par la région autonome.
Ce groupe est intermédiaire entre l'italo-roman et le gallo-roman (à l'instar de l'italien septentrional). - Romanche (rumantsch) : le sursilvan (haute vallée du Rhin), le sutsilvan et le surmiran (centre du canton des Grisons), le puter et le vallader (Engadine) forment les cinq dialectes écrits ; ils sont parlés en Suisse (dans les Grisons) par environ 45 000 personnes. Le premier texte en puter a été écrit en 1527 à Zuoz (La chanzun da la guerra dal chasté da Müsch), le premier en vallader en 1560 à Susch. L'interromanche (rumantsch grischun) est la variété standard du romanche utilisée en Suisse pour unifier les cinq groupes dialectaux ; il s'appuie en grande partie sur le sursilvan, le vallader et le surmiran ; l'interromanche est une langue officielle en Suisse dans le canton des Grisons.
- Ladin (ladin) : utilisé dans les Dolomites italiennes.
- Frioulan (furlan) : parlé dans la province italienne d'Udine ; frioulan et ladin n'ont qu'un statut de langue régionale.
Certains linguistes, minoritaires, y rattachent l' Istrien ou Istro-roumain. Toutes ces langues, morcelées entre de multiples dialectes, sont en régression constante. Ce groupe également dit illyro-roman est parfois compté dans le groupe des langues romanes orientales. Il présente des caractères intermédiaires entre le groupe rhéto-roman et le groupe roman oriental. Connu au Moyen Âge (fin XIIIe s.) sous les noms de mavro-valaque ou morlaque, attesté directement vers 1840, le Dalmate est éteint. Parlé autrefois dans les îles et les régions côtières de la Croatie et du Monténégro, il comprenait trois dialectes recensés : l'Istrien ou Istro-roumain, parlé en Istrie (dont le dernier locuteur s'est éteint en 2006), le Végliote (veklisuṅ, au nord , dans l'île de Krk ou Veglia), dont le dernier locuteur s'est éteint en 1898) et le Ragusain (au sud, dans l'actuelle Dubrovnik, éteint dès le XVe siècle). Groupe des langues romanes orientalesLe groupe istro-dalmate lui est parfois intégré. Ce groupe comprend deux langues vivantes et deux éteintes : - le daco-roumain nommé officiellement Roumain en Roumanie (română, limba română) et Moldave en Moldavie (limba moldovenească); partiellement attesté au XIIe s., complètement attesté au XVe s., c'est la langue de l'ancienne Province romaine de Dacie coupée du reste de la Romania ; les superstrates slave et turc restent d'importance faible et le roumain s'avère assez conservateur ; c'est en cela qu'il est relativement différent des autres langues romanes et dyssimétrique par rapport à elles (il est beaucoup plus facile à un roumanophone de comprendre l'italien ou le français, que l'inverse); il est langue co-officielle en Voïvodine serbe, mais est également parlé en Serbie (Portes de Fer et vallée du Timoc). Des minorités roumanophones vivent également en Ukraine, et une importante diaspora vit depuis les années 2000-2005 en Espagne et en Italie.
- le Mégléno-roumain (ou mégléniote), jadis parlé en Macédoine et en Turquie.
- Aroumain (dit macédo-roumain en Roumanie), parlé principalement en Grèce septentrionale, en Albanie, Serbie, Macédoine et Roumanie.
Certains linguistes roumains revendiquent également l' Istro-roumain et le Dalmate comme appartenant à ce groupe. Du latin classique au latin vulgaireQuelques modifications phonétiques propres au latin vulgaireNote : les transcriptions phonétiques sont en alphabet phonétique international.À propos du Latin vulgaire, il convient de noter que les Romains, comme les Grecs, vivaient en situation de Diglossie : la langue de tous les jours n'était pas le latin classique (celui des textes littéraires ou sermo urbanus: "langue de la ville", c'est-à-dire "puriste", figé par la grammaire comme l'a été le Sanskrit), mais une forme distincte bien que très proche, au développement plus libre (le sermo plebeius, "langue vulgaire"). Il semble acquis que le latin classique ne se limitait pas à un emploi livresque, mais qu'il était couramment parlé par les catégories sociales élevées, bien que celles-ci aient trouvé plus raffiné encore de s'exprimer en grec (et il semble que César n'ait pas dit à Brutus "Tu quoque, fili" mais "Kai si, tecne"), tandis que le sermo plebeius était la langue des soldats, des commerçants, du petit peuple ; n'ayant jamais accédé au statut de langue littéraire, le latin vulgaire nous est surtout connu par la phonétique historique, des citations et des critiques prononcées par les tenants d'un latin littéraire ainsi que de nombreuses inscriptions, des registres, comptes et autres textes courants. D'autre part, le Satyricon de Pétrone, sorte de "roman" écrit vraisemblablement au premier siècle de l'ère chrétienne et se passant dans les milieux interlopes de la société romaine, est un témoignage important de cette diglossie : selon leur catégorie sociale, les personnages s'y expriment dans une langue plus ou moins proche de l'archétype classique. Parmi les textes qui ont blâmé les formes jugées décadentes et fautives, il faut retenir lAppendix Probi (voir ce document), sorte de compilation d'« erreurs » fréquentes relevées par un certain Probus et datant du IIIe siècle de l'ère chrétienne. Ce sont bien ces formes, et non leur équivalent en latin classique, qui sont à l'origine des mots utilisés dans les langues romanes. Voici quelques exemples de « fautes » citées par Probus (selon le modèle : A non B, « A et non B »), classées ici par type d'évolution phonétique et assorties de commentaires permettant de signaler les principales différences phonologiques entre le latin classique et le latin vulgaire ; il n'est bien sûr pas possible d'être exhaustif en la matière et de référencer toutes les différences entre le latin classique et le latin vulgaire, mais lAppendix Probi peut constituer une introduction pertinente sur le sujet : - 1. calida non calda, masculus non masclus, tabula non tabla, oculus non oclus, etc.
- Ces exemples montrent l'Amuïssement des voyelles post-toniques (et aussi pré-toniques) brèves ; les mots latins sont en effet accentués cálida, másculus, tábula et óculus, la voyelle suivante étant brève. Cet amuïssement prouve aussi que l'accent de hauteur du latin classique est devenu un accent d'intensité en latin vulgaire (en effet, un accent de hauteur n'a pas d'influence sur les voyelles atones environnantes). L'on reconnaît dans cette liste les ancêtres de chaude (Ancien français chalt), mâle (ancien français masle), table et oeil ; ce processus a donné naissance à des transformations importantes des consonnes entrées en contact après la chute de la voyelle les séparant : ainsi, un /l/ devant consonne est passé à /l/ vélaire (soit /ɫ/) puis à /u/ en français (Vocalisation), d'où chaud ; de même, /kl/ a pu donner un /l/ palatalisé (voir au point 2) ;
- 2. vinea non vinia, solea non solia, lancea non lancia, etc.
- L'on voit là le passage en latin vulgaire de /e/ bref devant voyelle à /j/ (son initial de yacht ; le phénomène est nommé consonification) qui, après consonne, la palatalise ; ces consonnes palatalisées (qui peuvent provenir d'autres sources), sont importantes dans l'évolution des langues romanes. Cette transformation explique pourquoi l'on obtient, par exemple, vigne (avec /nj/ devenant /ɲ/, noté dans les langues romanes par le digramme gn en français et italien, ñ en castillan, ny en catalan, nh en portugais et occitan, etc.), seuil (avec anciennement un /l/ palatal, soit /ʎ/, noté par ill / il en français, devenu ensuite un simple /j/, conservé en castillan, où il est noté ll, double l L'évolution phonétique naturelle des langues, à laquelle le latin n'a bien sûr pas échappé, explique en grande partie les différences importantes entre certaines des langues romanes. À ce processus s'est aussi ajouté la non-unicité lexicale de ce que l'on désigne sous le terme de latin vulgaire : la taille de l'Empire romain et l'absence d'une norme littéraire et grammaticale ont permis à cette langue vernaculaire de ne pas être figée. Ainsi, chaque zone de la Romania a utilisé une saveur particulière du latin vulgaire (il vaudrait même mieux dire « des latins vulgaires »), comme on l'a vu plus haut, telle langue préférant tel terme pour signifier « maison » (latin casa en castillan, Catalan, Italien, Portugais, Roumain), telle autre un terme différent (mansio pour le même sens en français), par exemple.
S'est greffée à ces deux données la présence de substrats, langues parlées initialement dans une zone et recouvertes par une autre, ne laissant que des traces éparses, tant lexicales ou grammaticales que phonologiques, dans la langue d'arrivée. Ainsi, le substrat gaulois en français lui laisse quelque cent quatre-vingts mots comme braies, char ou bec, et serait à l'origine du passage du /u/ (de loup) latin à /y/ (de lune). Cette hypothèse ne fait cependant pas l'unanimité. Bien entendu, l'influence du gaulois ne s'est pas limitée à la langue française : les dialectes de l'Italie du Nord, par exemple, en possèdent quelques termes, et on a ainsi en italien standard braghe pour braies (qui a donné plus tard les mots français braguette et bretelle), carro pour char, ou becco pour bec. De même le Basque pour les langues ibérico-romanes (où le mot pour « gauche », soit sinistra en latin classique, est remplacé par des dérivés du basque ezker, soient esquerra en catalan, izquierda en castillan et esquerdo en portugais), ou encore l'étrusque pour le dialecte italien de Toscane, qui lui devrait, même si c'est fort improbable, sa gorgia toscana, c'est-à-dire la prononciation des /k/ comme des /h/ (anglais home) ou des /χ/ (allemand Bach). Il faut noter que cette influence de l'étrusque sur le toscan est de nos jours considérée comme un mythe sans fondements réels : en effet, le phénomène n'est pas limité à la Toscane, il n'est pas présent dans toutes les zones à dominante linguistique toscane (la Corse, par exemple qui ─ bien qu'éloignée ─ a été fortement Toscanisée), il n'est pas attesté avant le XVIe siècle et il ne correspond pas réellement à des caractéristiques phonétiques étrusques. Enfin et surtout, on voit mal comment une langue morte bien avant l'apparition des dialectes italiens aurait pu transmettre cet unique trait sans avoir laissé ni vocabulaire ni même coutumes. Enfin, les superstrats ont aussi joué un rôle prépondérant dans la différenciation des langues romanes : ce sont les langues de peuples s'étant installés dans un territoire sans réussir à imposer leur langue. Celle-ci a cependant laissé des traces importantes. Le superstrat Francique (donc germanique) en France est important ; le vocabulaire médiéval en est émaillé, surtout dans le domaine de la guerre et de la vie rurale (ainsi heaume, adouber, flèche, hache, etc., mais aussi framboise, blé, saule, etc., ou encore garder et, plus surprenant, trop), et le français actuel compte plusieurs centaines de mots ainsi hérités du francique. C'est un superstrat arabe que l'on remarque le plus en castillan et en portuguais : plus de quatre mille termes, parmi lesquels des toponymes et des composés, viennent de cette langue. Le trait le plus remarquable est le maintien quasi systématique de l'article arabe dans le mot, alors que les autres langues romanes ayant aussi emprunté le même terme s'en sont souvent débarrassées : ainsi les gloses espagnoles algodón (contre français coton), de l'arabe أَلْقُطْن, ʾal-quṭn, algarroba (français caroube), de ʾal-harūbah ou encore aduana (français douane), de أَلدِّيوَان, ʾad-dīwān (qui donne aussi divan). Enfin, dernier superstrat remarquable, le slave, dont l'influence en roumain est notable. Le roumain devrait aux langues slaves alentour son Vocatif, quelques termes du lexique ainsi que des processus de palatalisation différents de ceux des autres langues romanes. L'influence des langues romanes les unes sur les autres, d'autre part, est considérable. A tel point qu'un courant du mouvement Interlingua, dit "latin moderne", préconise d'utiliser dès à présent cette langue comprise sans étude (50 mots à apprendre sur un vocabulaire basique de 5 000) par tous les locuteurs romans (qui sont environ 900 millions dans le monde), après remplacement des mots antiques sans postérité gardés à tort par l'interlingua, modernisation de ses formes lexicales et phonétisation de son orthographe. (Voir langmaker.com/db/Modern_latin) L'on peut donner ici les résultats d'une étude menée par M. Pei en 1949, qui a comparé le degré d'évolution de diverses langues par rapport à leur langue-mère ; pour les langues romanes les plus importantes, si l'on ne considère que les voyelles toniques, l'on obtient, par rapport au latin, les coefficients d'évolution suivants : - sarde : 8 % ;
- italien : 12 % ;
- castillan : 20 % ;
- roumain : 23,5 % ;
- occitan : 25 % ;
- portugais : 31 % ;
- français : 44 %.
L'on voit ainsi facilement le degré variable de conservatisme des langues romanes, la plus proche du latin phonétiquement (en ne considérant que les voyelles toniques) étant le Sarde, la plus éloignée le français.Diffusion mondiale de certaines langues romanes Du fait de la Colonisation, l'aire géographique des locuteurs de langues romanes s'étend largement au-delà de l'Europe. Les plus largement diffusées sont l'espagnol (Mexique, Amérique centrale et Amérique du Sud, Philippines, etc.), le portugais (Brésil, Angola, Mozambique, etc.) et le français (Canada, Afrique, etc.). Le castillan et le français sont comptés parmi les langues officielles de l'ONU. AnnexesBibliographie- Jean-Marie Klinkenberg, Des langues romanes, éditions Duculot, Louvain-la-Neuve, 1994 (2e édition) ;
- Pierre Bec, Manuel pratique de philologie romane, Paris, 1970-1971, deux tomes ;
- Mireille Huchon, Histoire de la langue française, Paris, 2002 ;
- Édouard Bourciez, Éléments de linguistique romane, Paris, 1967 pour la 5e édition ;
- Max Niedermann, Phonétique historique du latin, Paris, 1953 pour la 3e édition ;
- Paul Teyssier, Comprendre les langues romanes, du français à l'espagnol, au portugais, à l'italien & au roumain, méthode d'intercompréhension, Paris, Chandeigne, 2004 ;
- M.-D. Glessgen, Domaines et Méthodes de la linguistique romane, Zürich, 2004-2005, RoSe, 2vol. ;
- M. Banniard, Du latin aux langues romanes, 1997, Nathan ;
- Yves Cortez, Le français ne vient pas du latin, Paris, 2007, Editions L'harmattan.
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